Le théâtre et son double

€ 4,25

PRÉFACE

Jamais, quand c’est la vie elle-même qui s’en va, on n’a autant parlé de civilisation et de culture. Et il y a un étrange parallélisme entre cet effondrement généralisé de la vie qui est à la base de la démoralisation actuelle et le souci d’une culture qui n’a jamais coïncidé avec la vie, et qui est faite pour régenter la vie.

Avant d’en revenir à la culture je considère que le monde a faim, et qu’il ne se soucie pas de la culture : et que c’est artificiellement que l’on veut ramener vers la culture des pensées qui ne sont tournées que vers la faim.

Le plus urgent ne me paraît pas tant de défendre une culture dont l’existence n’a jamais sauvé un homme du souci de mieux vivre et d’avoir faim, que d’extraire de ce que l’on appelle la culture, des idées dont la force vivante est identique à celle de la faim.

Nous avons surtout besoin de vivre et de croire à ce qui nous fait vivre et que quelque chose nous fait vivre, — et ce qui sort du dedans mystérieux de nous-mêmes, ne doit pas perpétuellement revenir sur nous-mêmes dans un souci grossièrement digestif.

Je veux dire que s’il nous importe à tous de manger tout de suite, il nous importe encore plus de ne pas gaspiller dans l’unique souci de manger tout de suite notre simple force d’avoir faim.

Si le signe de l’époque est la confusion, je vois à la base de cette confusion une rupture entre les choses, et les paroles, les idées, les signes qui en sont la représentation.

Ce ne sont certes pas les systèmes à penser qu manquent ; leur nombre et leurs contradictions caractérisent notre vieille culture européenne et française : mais où voit-on que la vie, notre vie, n’ait jamais été affectée par ces systèmes ?

Je ne dirai pas que les systèmes philosophiques soient choses à appliquer directement et tout de suite ; mais de deux choses l’une :

Ou ces systèmes sont en nous et nous en sommes imprégnés au point d’en vivre, et alors qu’importent les livres ? ou nous n’en sommes pas imprégnés et alors ils ne méritaient pas de nous faire vivre ; et de toute façon qu’importe leur disparition ?

Il faut insister sur cette idée de la culture en action et qui devient en nous comme un nouvel organe, une sorte de souffle second : et la civilisation, c’est de la culture qu’on applique et qui régit jusqu’à nos actions les plus subtiles, l’esprit présent dans les choses ; et c’est artificiellement qu’on sépare la civilisation de la culture et qu’il y a deux mots pour signifier une seule et identique action.

On juge un civilisé à la façon dont il se comporte et il pense comme il se comporte ; mais déjà sur le mot de civilisé il y a confusion ; pour tout le monde un civilisé cultivé est un homme renseigné sur des systèmes, et qui pense en systèmes, en formes, en signes, en représentations.

C’est un monstre chez qui s’est développée jusqu’à l’absurde cette faculté que nous avons de tirer des pensées de nos actes, au lieu d’identifier nos actes à nos pensées.

Si notre vie manque de soufre, c’est-à-dire d’une constante magie, c’est qu’il nous plaît de regarder nos actes et de nous perdre en considérations sur les formes rêvées de nos actes, au lieu d’être poussés par eux.

Et celle faculté est humaine exclusivement. Je dirai même que c’est cette infection de l’humain qui nous gâte des idées qui auraient dû demeurer divines : car loin de croire le surnaturel, le divin inventés par l’homme je pense que c’est l’intervention millénaire de l’homme qui a fini par nous corrompre le divin.

Toutes nos idées sur la vie sont à reprendre à une époque où rien n’adhère plus à la vie. Et cette pénible scission est cause que les choses se vengent, et la poésie qui n’est plus en nous et que nous ne parvenons plus à retrouver dans les choses ressort, tout à coup, par le mauvais côté des choses ; et jamais on n’aura vu tant de crimes, dont la bizarrerie gratuite ne s’explique que par notre impuissance à posséder la vie.

St le théâtre est fait pour permettre à nos refoulements de prendre vie, une sorte d’atroce poésie s’exprime par des actes bizarres où les altérations du fait de vivre démontrent que l’intensité de la vie est intacte, et qu’il suffirait de la mieux diriger.

Mais si fort que nous réclamions la magie, nous avons peur au fond d’une vie qui se développerait tout entière sous le signe de la vraie magie.

C’est ainsi que notre absence enracinée de culture s’étonne de certaines grandioses anomalies et que par exemple dans une île sans aucun contact avec la civilisation actuelle le simple passage d’un navire qui ne contient que des gens bien portants puisse provoquer l’apparition de maladies inconnues dans cette île et qui sont une spécialité de nos pays : zona, influenza, grippe, rhumatismes, sinusite, polynévrite, etc…, etc…

Et de même si nous pensons que les nègres sentent mauvais, nous ignorons que pour tout ce qui n’est pas l’Europe, c’est nous, blancs, qui sentons mauvais.

PRÉFACE

Jamais, quand c’est la vie elle-même qui s’en va, on n’a autant parlé de civilisation et de culture. Et il y a un étrange parallélisme entre cet effondrement généralisé de la vie qui est à la base de la démoralisation actuelle et le souci d’une culture qui n’a jamais coïncidé avec la vie, et qui est faite pour régenter la vie.

Avant d’en revenir à la culture je considère que le monde a faim, et qu’il ne se soucie pas de la culture : et que c’est artificiellement que l’on veut ramener vers la culture des pensées qui ne sont tournées que vers la faim.

Le plus urgent ne me paraît pas tant de défendre une culture dont l’existence n’a jamais sauvé un homme du souci de mieux vivre et d’avoir faim, que d’extraire de ce que l’on appelle la culture, des idées dont la force vivante est identique à celle de la faim.

Nous avons surtout besoin de vivre et de croire à ce qui nous fait vivre et que quelque chose nous fait vivre, — et ce qui sort du dedans mystérieux de nous-mêmes, ne doit pas perpétuellement revenir sur nous-mêmes dans un souci grossièrement digestif.

Je veux dire que s’il nous importe à tous de manger tout de suite, il nous importe encore plus de ne pas gaspiller dans l’unique souci de manger tout de suite notre simple force d’avoir faim.

Si le signe de l’époque est la confusion, je vois à la base de cette confusion une rupture entre les choses, et les paroles, les idées, les signes qui en sont la représentation.

Ce ne sont certes pas les systèmes à penser qu manquent ; leur nombre et leurs contradictions caractérisent notre vieille culture européenne et française : mais où voit-on que la vie, notre vie, n’ait jamais été affectée par ces systèmes ?

Je ne dirai pas que les systèmes philosophiques soient choses à appliquer directement et tout de suite ; mais de deux choses l’une :

Ou ces systèmes sont en nous et nous en sommes imprégnés au point d’en vivre, et alors qu’importent les livres ? ou nous n’en sommes pas imprégnés et alors ils ne méritaient pas de nous faire vivre ; et de toute façon qu’importe leur disparition ?

Il faut insister sur cette idée de la culture en action et qui devient en nous comme un nouvel organe, une sorte de souffle second : et la civilisation, c’est de la culture qu’on applique et qui régit jusqu’à nos actions les plus subtiles, l’esprit présent dans les choses ; et c’est artificiellement qu’on sépare la civilisation de la culture et qu’il y a deux mots pour signifier une seule et identique action.

On juge un civilisé à la façon dont il se comporte et il pense comme il se comporte ; mais déjà sur le mot de civilisé il y a confusion ; pour tout le monde un civilisé cultivé est un homme renseigné sur des systèmes, et qui pense en systèmes, en formes, en signes, en représentations.

C’est un monstre chez qui s’est développée jusqu’à l’absurde cette faculté que nous avons de tirer des pensées de nos actes, au lieu d’identifier nos actes à nos pensées.

Si notre vie manque de soufre, c’est-à-dire d’une constante magie, c’est qu’il nous plaît de regarder nos actes et de nous perdre en considérations sur les formes rêvées de nos actes, au lieu d’être poussés par eux.

Et celle faculté est humaine exclusivement. Je dirai même que c’est cette infection de l’humain qui nous gâte des idées qui auraient dû demeurer divines : car loin de croire le surnaturel, le divin inventés par l’homme je pense que c’est l’intervention millénaire de l’homme qui a fini par nous corrompre le divin.

Toutes nos idées sur la vie sont à reprendre à une époque où rien n’adhère plus à la vie. Et cette pénible scission est cause que les choses se vengent, et la poésie qui n’est plus en nous et que nous ne parvenons plus à retrouver dans les choses ressort, tout à coup, par le mauvais côté des choses ; et jamais on n’aura vu tant de crimes, dont la bizarrerie gratuite ne s’explique que par notre impuissance à posséder la vie.

St le théâtre est fait pour permettre à nos refoulements de prendre vie, une sorte d’atroce poésie s’exprime par des actes bizarres où les altérations du fait de vivre démontrent que l’intensité de la vie est intacte, et qu’il suffirait de la mieux diriger.

Mais si fort que nous réclamions la magie, nous avons peur au fond d’une vie qui se développerait tout entière sous le signe de la vraie magie.

C’est ainsi que notre absence enracinée de culture s’étonne de certaines grandioses anomalies et que par exemple dans une île sans aucun contact avec la civilisation actuelle le simple passage d’un navire qui ne contient que des gens bien portants puisse provoquer l’apparition de maladies inconnues dans cette île et qui sont une spécialité de nos pays : zona, influenza, grippe, rhumatismes, sinusite, polynévrite, etc…, etc…

Et de même si nous pensons que les nègres sentent mauvais, nous ignorons que pour tout ce qui n’est pas l’Europe, c’est nous, blancs, qui sentons mauvais.

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